Les Chaouis / Ichawiyene (الشاوية) sont un groupe ethnique berbère d'Algérie. Ils habitent principalement le massif de l'Aurès, ainsi que les régions attenantes, comme le Constantinois, et la région des Chotts. Très solidaires entre eux, et surnommés "Jbayliya", ces chaouiyas sont de rudes montagnards, de grands cultivateurs et commerçants.
Le qualifiant des habitants des Aurès "Ichawiyene" a subi au cours des âges des déformations phonétiques, pour se fixer définitivement autour de Chawiya ou Chaouias. Avant la conquête française, les autochtones n'employaient le mot Chaoui que pour désigner un berger.
À l'instar des autres régions amazighes, on trouve les mêmes vocables dans la région des Aurès, le radical Aït ou Ayth ou At (fils au singulier) est très fréquemment utilisé chez les tribus d'origine Zénète : Ath Busliman, Ath Abdi, Ath Daoud, etc.
La population des Aurès se compose de peuplades diverses en plus de ses habitants originels : à une époque reculée, ils furent rejoints par les descendants de conquérants romains et byzantins ainsi que des vandales. La tribu des Zenata habitait le territoire au moment de la conquête islamique, puis vinrent les tribus Huwara et Luwata, particulièrement au plus fort de la guerre entre Hassan Ibn Numan et les armées de Kahina.
Les Chaouis ont une organisation tribale et familiale. En général, il y a un chef de tribu qui prend les décisions importantes politiques et civiles du clan ou à l'occasion de guerre contre une autre tribu. Chaque région a par ailleurs son propre modèle de fonctionnement.
1. Les grandes tribus chaouiyas de la rive nord ou les Aurès inférieures :
Les Ouled Fatma zoltan, les Ouled Sellam, les Herractas, les Jratna, les Thleth, les Segnia, Ouled Mhenna, Ouled Menaâ, Lahlaymia, Hiddoussiyene, Houarra, Ouled Mhemmed, Ouled sidi Lhadj.
2. Les grandes tribus chaouiyas de l’Aurès central ou Moyen Aurès.
. Les chaouias arabisés : Les bni fren, Bouazid, Ouled si Ahmed Benameur, Ouled Derradj, Bni Tazaght.
. Les chaouias de la plaine : Les Ouled Chlih, Oules Sidi Yahia, Ouled Hamla (Condorcet)
3. Les chaouiyas de l’Aurès supérieure (Rive sud)
Les Touabas, les Aghvassir, Ath Faffa, Ath Imessounin, Nmemchas, Ath Ferh, Ouled Fadhel, Ouled djebel, Laâchach, Ouled Sidi Ali, Amamra, les bni Mloul, les bni Bouslimane, Ait Inoughisséne, les bni Souik.
Chaque tribu avait son ou ses poètes. Chaque poète avait sa tribu, ses protecteurs. Les guerres fratricides étaient courantes : pour un point d’eau, une terre, un honneur blessé, un panégyrique mal placé, mal interprété par un prince berbère, un guerrier.
Les meilleurs poètes étaient primés dans les fêtes et les souks hebdomadaires de Batna, Tazoult-Lambése, Timgad, Merouana, El Kantara, Barika, Arris…
L'aspect communautaire est important chez les Chaouis. Plusieurs greniers utilisés comme garde-manger sont aménagés par la population locale dans des abris montagneux.
Grenier Collectif Ath Mimoune.
Les chaouis sont actuellement concentrés dans les grandes villes comme Batna, Khenchela, Oum el Bouaghi, Barika, M'Sila, Biskra. Un important exode rural a débuté au XIXe siècle, à cause des conditions difficiles des zones montagneuses et rurales.
. Les Aurès, une Région Riche en Histoire : Repères.
. Comme dans toutes les autres régions de l'Algérie, les Aurès ont connus la succession de royaumes, civilisations, dynasties, et colonisations aboutissant à des révoltes, batailles ou guerres.
. Lorsque la première guerre punique éclate en 264 avant notre ère, le général carthaginois Hannibal Gisco engage les Gétules comme mercenaires. En 107 avant notre ère, le roi numide Jugurtha, combattant l'armée romaine, fait de nouveau appel à eux. Avant d'accepter, ces derniers proposent à Rome un autre contrat avec la promesse de terres numides ainsi que la citoyenneté romaine. En 103 avant notre ère, Jugurtha est vaincu. Les Numides défaits, Rome offre aux Gétules des terres en bordure de la Maurétanie pour consolider ses frontières. La sédentarisation des Gétules sur les terres confisquées n'est pas facilement acceptée par les populations numides défaites.
Le Mausolée de Medracen datant de 300 ans av. J.-C est le monument numide le plus ancien de l'actuelle Algérie.
Mausolée de Madracen.
. Durant la période romaine (-25 à 430), l’Algérie devient le grenier à blé de Rome, qui édifie aqueducs et thermes aux portes du désert. Prospère, le pays se couvre de prestigieux édifices.
Dès l’année 100 ap. J.C., la IIIè légion Augusta, parti de Theveste (Tebessa), conquière Bagai (Baghaï), Mascula (Khenchela) et se base une première fois à Thamugadi (Timgad) et quelques années plus tard à Lambæsis (Tazult). Cette ceinturation se poursuivra au IIè siècle, avec une autre légion romaine, la VIè Ferrata, qui traversera l’Aurès du Nord au Sud, notamment par la construction de la route de Thighanimine et la construction du pont d’El Kantara. Enfin une autre ligne de fortifications partira toujours de Theveste plongera vers le Sud pour aboutir à Taberdga, Ad-Badias (Badis) Ad-Majores (Henchir Besseriani) et Vescera (Biskra). Ces places fortes, ces postes avancés et autres remparts, constitueront le limes romain qui enserra les Aurès au Nord et au Sud et deviendra une sorte de ” frontière ” qui va d’est en ouest pour se perdre en Oranie. En l'an 256, le Christianisme fait son apparition dans la région des Aurès.
Le mot Aurasius apparaît aux second et troisième siècles comme surnom donné à cette région.
Arc de Trajan de Timgad.
Ruines du Praetorium de Lambaesis.
. En 430, c'est tout l'Empire romain qui se retire de la région sous la pression des Vandales qui envahissent le pays. Timgad est détruite par les montagnards de l'Aurès, qui reprennent possession de nombreux territoires. Le 28 août 430, les Vandales prennent la dernière ville romaine "Hippone" après un bref siège.
De la brève occupation vandale de l'Aurès, il n'est rien resté, sinon, a-t-on cru parfois, des traces génétiques dans la population.
Acte de Vente d'Oliviers. Djebel M'rata. 12 Janvier 494 Ap.Jc.
. Après être parvenus, grâce à l’aide des Aurèsiens, à chasser les Vandales, les Byzantins se retournèrent contre Iabdas, roi de l’Aurès oriental. Très au fait des rivalités et querelles locales, Solomon ne s’engagea contre l’Aurès qu’en ayant au préalable obtenu la neutralité de Masuna, roi de la Maurétanie sétifienne (les Kutamas actuels) et d’Ortaïas, roi de l’Aurès occidental. Iabdas, plutôt que de le combattre, préféra noyer son camp en ouvrant les digues de barrages situés vers Khenchela. Solomon, vaincu, dut s’en retourner à Carthage en 535. En 539, Solomon entreprend une seconde campagne contre l’Aurès. Iabdas est vaincu cette fois-ci.
Les Byzantins vont se cantonner dans les grandes villes du nord tunisien et de quelques villes importantes à l’intérieur et du littoral et, parallèlement à cela, ils occuperont certains postes névralgiques du limes romain.
Des royaumes et des principautés amazighs se constituèrent, parfois alliés, parfois opposés aux Byzantins.
Forteresse Byzantine. Timgad.
. La première révolte des berbères contre les arabes sera dirigée par Koceila de la tribu des Aurébas, tribu apparentée au groupe Branès. La bataille de Tahouda se solda par la mort de Okba Ibn Nafaa.. Après l'effondrement des dynasties arabes, les Ottomans prennent une partie des Aurès. Ils désignent des hommes pour contrôler les tribus et percevoir l'impôt. Les beys s’étaient assurés le concours de tribus locales, caravanières ou chamelières, qui leur fournissaient, moyennant certains avantages, la force mobile et les moyens de transport dont ils avaient besoin lors des deux campagnes annuelles de perception.
. La pénétration de l'armée française dans le sud-constantinois a été relativement tardive en raison du maintien au pouvoir du Bey Ahmed. Après une première expédition qui tourna à la catastrophe en 1836, Constantine fut prise à l’issue d’un siège sanglant. Le bey ne se soumettra que onze années plus tard.
Durant cette période, l’ancien Bey passa par Menaa, puis la zaouïa de Sidi Masmoudi dans l’Ahmar Khaddou. Il resta deux années dans ce massif où une petite tribu transhumante, les Ouled Abderahmane Kebech, plantent leurs tentes en été. Là se dressent encore les ruines de la guelaa de Kebech où Ahmed se serait réfugié.
Du sud comme du nord, la menace se faisant de plus en plus précise, le bey Ahmed préféra se rendre.
Djebel Ahmar Kheddou.
. Après avoir évincé Ahmed Bey, les tribus des Aurès feront leurs soumissions en dépit de quelques révoltes importantes comme la Bataille de Zaatcha.
En 1916, les Ouled Soltane, les Bou Aoun, les tribus de la Hodna oriental, les Saharis, tribu de Lakhder Halfaoui, les Ouled Zian, les tribus de la montagne de Cherchar, les Seguias, les Maadid, etc., organisent une grande révolte contre l'occupation française, mais ils seront réprimés par l'Armée française.
Celle-ci désigne des caïds religieux pour commander les tribus dans les Aurès. Le mouvement nationaliste s'organise dans les Aurès au début du XXe siècle. Plusieurs Chaouis vont participer aux côtés des Alliés pendant la Seconde Guerre mondiale.
Grenier Collectif Ath Mansour.
Dès 1954, les Aurès sont au premier plan dans la guerre d'Algérie. Mostefa Ben Boulaïd, né à Arris et appartenant à la grande confédération des Touabas, est l'un des six chefs qui sont à l'origine du FLN et déclenchent la révolution algérienne.
Benboulaïd sera arrêté en février 1955 à la frontière tuniso-lybienne au retour d’un voyage qu’il avait entrepris pour se procurer des armes. Lorsqu’il fut arrêté, il affirmera avoir mené son action avec uniquement des gens du massif.
Jugé et condamné à mort, Benboulaïd s’évadera le 4 novembre 1955 et regagnera le massif. Il décède le 22 mars 1956, à la suite de la manipulation d’un colis piégé.
En 1962, l'indépendance est proclamée. Les Aurès font partie de l'État Algérien indépendant.
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