L’habitat dans les Aurès s’organise autour d'une trilogie composée de l'homme, l'animal et la réserve. La construction de la maison s’adapte aussi au climat ponctuel du lieu où elle est établie.
Chaque dechra a sa propre architecture, que se soit par l'utilisation du matériau ou la répétition dans le plan et les mensurations. Ces critères varient légèrement en fonction de la taille de la famille et de son pouvoir économique.
A travers le massif de l’Aurès, les zones d’habitat vernaculaire sont essentiellement situées sur la rive gauche de l’oued. Elles le sont depuis de très longue date. Les plateaux et les fonds de vallées restent vides de toute construction, par contre, toute parcelle cultivable est exploitée.
L’espace habité, multifonctionnel, est utilisé sous différentes formes, suivant les heures de la journée et le rythme des saisons. Le mode de production agraire reste partout similaire mais, d’une dechra à l’autre et tout le long de l’oued Abdi, il s’intègre au milieu et suit la hiérarchisation écologique verticale de la vallée.
La maison aurasienne est une maison à terrasse ; elle intègre la topographie du site dans sa construction. Les irrégularités du terrain, les blocs rocheux, sont harmonieusement utilisés comme soubassement, comme fondations. L’Homme a rarement aplani ou terrassé le site pour la construction d’une habitation. C’est alors une continuité de formes, de teintes, et une uniformité d’aspect qui renforcent l’intégration de ces constructions au site.
La maison est un espace polyvalent à organisation tripartite verticale. L’espace Homme est le noyau autour duquel gravitent les animaux et les réserves, c’est-à-dire ses richesses.
L’ouverture de la maison sur l’extérieur est dédoublée. Le désir de hiérarchiser et de séparer l’accès de l’homme de celui des animaux est renforcé par la taille et la finition des portes. Les animaux pénètrent par une porte basse, de matériau commun et de qualité moindre. L’homme pénètre dans la maison par une plus grande porte, faite en bois de cèdre, parfois finement travaillée et marquée symboliquement par des amulettes.
Quand, dans certaines habitations, les hommes et les animaux pénètrent dans la maison par une seule porte, la séparation s’effectue juste après le franchissement du seuil, la bergerie s’ouvre directement sur l’entrée.
Le seuil est toujours marqué par une surélévation, cette différence de niveau, outre la symbolique qu’elle projette, a pour rôle pratique la protection de la maison contre les eaux pluviales dévalant les pentes.
Le noyau de la maison
Il est composé d’une entrée, d’une salle commune et d’une cour.
– L’entrée est un espace et pas seulement un passage. Aménagée et couverte, l’entrée oppose sa composition à deux autres espaces, ouverts et non couverts : l’extérieur et la cour. Cette hiérarchisation entre zone claire et zone obscure crée l’intimité de l’entrée.
– La cour est souvent un lieu de passage, mais surtout un puits de lumière et de ventilation. Lorsque la cour est importante, elle est partiellement couverte et à double utilisation : espace cour (circulation) et espace entrepôt et bergerie. L’affectation fonctionnelle est définie par des murets peu élevés. La cour n’est pas un lieu de regroupement, on se retrouve soit dans l’entrée, soit dans la pièce commune. La fréquence et la dimension de cet espace dépendent aussi du lieu d’implantation des dechra, du climat et du besoin d’économie de terrain. Les terrasses, non protégées d’acrotères sont utilisées à des affectations ménagères et sociales en lieu et place de la cour.
– La salle commune : centre symbolique et fonctionnel de la maison, la salle commune est l’espace par excellence de l’Homme. Cet élément présent dans d’autres architectures rurales vernaculaires, organise par sa composition et sa structuration de l’espace l’ensemble de la maison. Lieu principal de la vie sociale et économique, cet espace se définit comme le plus grand volume de la maison, toujours isolé et limité par les réserves.
La polyvalence du lieu s’exprime par une projection au sol de toutes les activités quotidiennes : la division fonctionnelle n’est pas liée à l’utilisation de murs, mais à une succession d’aménagements de dénivelés au sol. Chaque surélévation correspond à une fonction, à une pratique journalière. La seule fonction qui n’est pas systématiquement matérialisée est celle du sommeil. Cette codification du sol intégré au modèle culturel s’appuie sur une élaboration et une appréhension de l’espace comme le reflet d’une vie totalement partagée par la famille. L’espace est attribué à des fonctions et non pas un individu. La notion de l’espace individuel intime est éclipsée au profit d’un partage intégral familial.
Des outres d’eau et de lait sont suspendues entre les poteries et les autres ustensiles. L’aménagement des murs est le complément de l’aménagement du sol : niches, décrochements, morceaux de bois fixés entre deux briques de terre ou entre deux pierres complètent à la verticale l’utilisation du plan horizontal.
Les lieux privilégiés de la salle commune sont :
– le coin du feu. Le foyer est un simple assemblage de trois briques cuites faites de marne calcaire et de sable siliceux,
– l’emplacement du métier à tisser est marqué par une banquette construite le long d’un mur face à la porte,
– le centre de la pièce. C’est le lieu de rassemblement familial et convivial,
– un coin de réserve journalière. C’est le coin le plus obscur de la salle.
. La maison aurèsienne est fondée directement sur la roche. Les matériaux utilisés pour la construction sont la terre, la pierre et le bois.
. Dans la haute vallée, la pierre sèche domine. Les structures sont en bois : cèdre pour les pièces maîtresses et l’ossature, genévrier pour les poutrelles.
. Dans la moyenne vallée, les soubassements des murs et les jonctions avec le sol sont en pierres non taillées, ce sont de gros blocs joints par un mortier et sur lesquels viennent se poser de briques de terre.
. La basse vallée reprend les modes de construction sahariens ; les structures sont en bois de palmier et les murs en briques de terre séchée.
Dans tous les murs, les chaînages sont établis par des lignées horizontales disposés tous les 80 ou 100 cm. Les coins de murs sont souvent traités en pierres d’angle taillées.
. Les ouvertures dans les maisons de l'Aurès ont plus un rôle de ventilation que « d’ouverture vers l’extérieur ». Les pièces destinées aux animaux et aux réserves, sont dotées d'une lignée d’ouvertures triangulaires situées en partie haute d’un mur, assurant ainsi une ventilation permanente.
L'ouverture en rosace, qui constitue un véritable symbole dans l'aurès, est construite par la disposition particulière de sept triangles de briques de terre ou de pierres éclatées. Ce système permet un fractionnement des rayons du soleil avec le maintien d’un taux de luminosité important et affiné, ainsi qu’une bonne ventilation.
. Les toitures sont toutes planes et horizontales. Sur un platelage de bois éclaté (troncs de genévriers) repris par une structure de tronc du même arbre, de la terre argileuse est répandue sur une épaisseur d’environ 15 à 20 cm. La toiture est rechargée, annuellement, lors de la première pluie, d’argile violette qui, mouillée, colmatera les fissures que le soleil de l’été a provoqué. Une pente (+ 2 %) évacue l’eau vers un affaissement ponctuel de l’argile qui sert de gargouille. Ces terrasses se terminent en périphérie par des débordements d’environ 40 cm, formant corniche
. Les cheminées à ventilations verticales émergent de cette terrasse par de simples trous rehaussés de pierres non maçonnées, posées au bord du trou.
Vallée de l'Oued Abdi.
Le Vieux Bouzina : Plusieurs types de Maisons : Bâtisses avec ou sans greniers individuels. W. Batna.
Menâa. W. Batna.
Tigherghar. W. Batna.
Vallée de l'Oued L'Abiod.
Canyon du Ghoufi : Maisons avec Terrasses de Séchage ou Maisons Troglodytes. W. Batna.