Les Aures.


On entend par Aurès, ce massif montagneux quadrilatère situé dans le Nord-Est de l'Algérie. Il se dresse au sud de KhenchelaLambèse et Timgad entre les chotts du Constantinois et la dépression saharienne des Zibans



Le terme "Les Aurès", ou "l’Aurès" proviendrait du berbère Awras (Aouras), qui signifie "fauve". Il correspondrait à la couleur dominante de la montagne (Fauve roussâtre). Une autre théorie indique que ce mot pourrait provenir du nom d’une plante magique appelée  "Tawrass-net thaghighith". 

Canyon du Ghoufi.

Cette zone de hautes terres est composée de 47 massifs (Chélia, Belezma, Rfaâ, Adhrar, Nouziza, Titaovine, Merouana, Metlili, Mahmel, Telmet, Ichmoul, Touggert,…etc..). 

Cependant, la région de l'Aurès ne se limite pas à ces massifs inaccessibles. 

Dès la plus haute antiquité on ne sut fixer de limites aux Aurès. On prétendit que les gorges d'El Kantara, étaient l'œuvre d'un coup de pied d'Hercule qui permit la communication nord sud dans l'Aurès.

. Salluste (env. 87-35 av. J.-C.) décrit une chaîne de montagnes qui sépare deux régions, l'une maritime (la côte est de l'actuelle Algérie) et l'autre intérieure (Tell). Les monts Aurès se terminent par le désert du Sahara.

. Le géographe byzantin Procope (500 - 565 ap. J.-C.) décrit l'Aures ainsi : "Cette montagne est située en Numidie, à 19 jours de voyage de Carthage et tournée vers le midi. C'est la plus grande que nous connaissions. Elle s'élève abruptement à une plus grande hauteur et il faut trois jours à un voyageur pour en faire le tour. Quand on s'en approche elle ne présente pas d'accès et il faut escalader les falaises. Mais quand après cette ascension on arrive au sommet, on découvre des plateaux, des sols fertiles et des routes faciles, de bons pâturages, des jardins couverts d'arbres admirables et partout des terres labourables"

. Ibn Khaldoun délimite l'Aurès par le royaume des Koutamas, les Zibans, le Mzab, l'Oued Righ et le fait correspondre au royaume des Zénètes.

Charlemagne Émile Masqueray (1843 - 1894) qui a parcouru l’Aurès et exploré ses vestiges archéologiques souligne qu’il existait deux Aurès bien distincts : l’Aurès occidental et l’Aurès oriental qui se distinguaient en particulier par leur dialecte et leurs traditions. Ainsi le terme de « Djebel Aurès » ou « Aourès » n’était connu des habitants du massif que dans sa partie orientale. 

. Durant la Guerre de Libération Nationale, la wilaya I, c'est-à-dire la wilaya Chaouie, allait du Hodna à la frontière tunisienne et d'Aïn M'lila à Doucen. Soit une surface qui dépasse 45 / 50 000 km²

D'après Ammar Negadi (écrivain berbériste algérien chaoui) : 

. A l'est, les monts Aurès englobent la région qui va de Souk Ahras à Négrine et longent la wilaya de Tébessa (Nemencha). Vers le sud, l'Aurès s'étend vers le sud-ouest de la wilaya de Biskra à NégrineVers l'ouest, les limites de l'Aurès atteignent la Petite Kabylie. Le contour passe les régions de Aïn Oulmène, de Magra, de Barika et de M'doukalVers le nord, l'Aurès comprend une partie des wilayas de Sétif, d'Oum El Bouaghi et de Skikda jusqu'à la wilaya de Souk Ahras.

Les Aurès et sa tribu les Chaouis ont toujours été terre de révoltes depuis l'Antiquité.

Amenthane.

Taghoust.

La région des Aurès se caractérise par des hivers très froids, avec des température atteignant parfois les -18 °C. Les étés sont très chauds. Le thermomètre affiche parfois 50 °C à l'ombre. Les variations de température sont très importantes dans cette région d'Algérie. La pluviométrie indique 100 mm en moyenne annuelle sur le piémont sud et atteint ou dépasse 500 mm vers les sommets. 

Gorges de Tighenimines. 

Le couvert végétale des Aures varie en fonction de plusieurs facteurs, dont l'exposition, et l'altitude. Celle-ci peut aller de 2 300 m sur les hauts sommets, jusqu’à quelques dizaines de mètres au niveau du piémont saharien. Parmi les espèces végétales rencontrées :

. Les xérophytes épineux en coussinets, le Sorbus aria et Lonicera implexa arbustif, touffes de violettes, ficaires, lamier violet, menthe et trèfle, bryophytes aux plus hautes altitudes (vers 1 750-1 900 m).

. Les forêts de cèdres géants, (dont les plus beaux peuplements se maintiennent sur les dj. Chélia, Aïdel et Chenntgouma (1 600-1 650 m)), de chênes verts, de pistachiers de l'Atlas, de genévrier oxycèdre, et de pins d’Alep (au-dessous de 1 400-1 500).

. Les maquis et garrigues (de 900 à 1 600), qui se localisent principalement vers la base de la forêt de chênes verts ou de pins d’Aleps. Les garrigues, plus nombreuses, proviennent de la dégradation de la forêt de chênes verts mais, surtout, de celle de pins d’Alep. 

. Les steppes couvrent l’essentiel du versant sud du massif, en dessous de 800 à 1100 m selon l’exposition, constituant ainsi la plus vaste formation végétale. 

. Les oasis sont isolées, et mesurent quelques kilomètres carrés au maximum. La végétation est totalement artificielle mais très riche. L’arbre privilégié est le palmier-dattier, Phœnix dactylifera.  Sous lui, le pêcher, l’abricotier, le figuier, l’oranger, le grenadier. Sous ces deux strates d’arbres fruitiers, s’étendent les cultures de légumes, de fourrages, de céréales

Fôret de Belezma.

La composition faunistique des Aurès est assez faible. Elle se compose de quelques rapaces, de sangliers (assez nombreux car non chassés), de chacals, de nombreux reptiles, tortues, lézards, lièvres, serpents, de hyènes rayées, de grenouilles et crapauds dans les dépressions humides.

Bruant du Sahara (Emberiza sahari). Falaises du Ghoufi.


On y voyait encore à  la fin du XIX siècle, Gazella dorcasGazella cuvieri, et Ammotragus lervia (le mouflon à manchettes). Les lions qui réveillaient R.L. Playfair en 1877 ont disparu.

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Aures : Aperçu Historique.


Les Chaouis / Ichawiyene (الشاوية) sont un groupe ethnique berbère d'Algérie. Ils habitent principalement le massif de l'Aurès, ainsi que les régions attenantes, comme le Constantinois, et la région des Chotts. Très solidaires entre eux, et surnommés "Jbayliya", ces chaouiyas sont de rudes montagnards, de grands cultivateurs et commerçants.

Le qualifiant des habitants des Aurès "Ichawiyene" a subi au cours des âges des déformations phonétiques, pour se fixer définitivement autour de Chawiya ou ChaouiasAvant la conquête française, les autochtones n'employaient le mot Chaoui que pour désigner  un berger

À l'instar des autres régions amazighes, on trouve les mêmes vocables dans la région des Aurès, le radical Aït ou Ayth ou At (fils au singulier) est très fréquemment utilisé chez les tribus d'origine Zénète : Ath Busliman, Ath Abdi, Ath Daoud, etc. 

La population des Aurès se compose de peuplades diverses en plus de ses habitants originels : à une époque reculée, ils furent rejoints par les descendants de conquérants romains et byzantins ainsi que des vandales. La tribu des Zenata habitait le territoire au moment de la conquête islamique, puis vinrent les tribus Huwara et Luwata, particulièrement au plus fort de la guerre entre Hassan Ibn Numan et les armées de Kahina.

Les Chaouis ont une organisation tribale et familiale. En général, il y a un chef de tribu qui prend les décisions importantes politiques et civiles du clan ou à l'occasion de guerre contre une autre tribu. Chaque région a par ailleurs son propre modèle de fonctionnement.

1. Les grandes tribus chaouiyas de la rive nord ou les Aurès inférieures :

Les Ouled Fatma zoltan, les Ouled Sellam, les Herractas, les Jratna, les Thleth, les Segnia, Ouled Mhenna, Ouled Menaâ, Lahlaymia, Hiddoussiyene, Houarra, Ouled Mhemmed, Ouled sidi Lhadj.

2. Les grandes tribus chaouiyas de l’Aurès central ou Moyen Aurès.

. Les chaouias arabisés : Les bni fren, Bouazid, Ouled si Ahmed Benameur, Ouled Derradj, Bni Tazaght. 

. Les chaouias de la plaine : Les Ouled Chlih, Oules Sidi Yahia, Ouled Hamla (Condorcet)

3. Les chaouiyas de l’Aurès supérieure (Rive sud)

Les Touabas, les Aghvassir, Ath Faffa, Ath Imessounin, Nmemchas, Ath Ferh, Ouled Fadhel, Ouled djebel, Laâchach, Ouled Sidi Ali, Amamra, les bni Mloul, les bni Bouslimane, Ait Inoughisséne, les bni Souik.

Chaque tribu avait son ou ses poètes. Chaque poète avait sa tribu, ses protecteurs. Les guerres fratricides étaient courantes : pour un point d’eau, une terre, un honneur blessé, un panégyrique mal placé, mal interprété par un prince berbère, un guerrier.  

Les meilleurs poètes étaient primés dans les fêtes et les souks hebdomadaires de Batna, Tazoult-Lambése, Timgad, Merouana, El Kantara, Barika, Arris… 


Des villages qu’à première vue, auraient pu ne pas être remarquer à cause de leur similitude de matière et de couleur avec le sol, se fondent dans la nature.

Maisons du Vieux Bouzina.

L'aspect communautaire est important chez les Chaouis. Plusieurs greniers utilisés comme garde-manger sont aménagés par la population locale dans des abris montagneux.

Grenier Collectif Ath Mimoune.

Les chaouis sont actuellement concentrés dans les grandes villes comme Batna, Khenchela, Oum el Bouaghi, Barika, M'Sila, Biskra. Un important exode rural a débuté au XIXe siècle, à cause des conditions difficiles des zones montagneuses et rurales. 


. Les Aurès, une Région Riche en Histoire : Repères.

. Comme dans toutes les autres régions de l'Algérie, les Aurès ont connus la succession de royaumes, civilisations, dynasties, et colonisations aboutissant  à des révoltes, batailles ou guerres. 

. Lorsque la première guerre punique éclate en 264 avant notre ère, le général carthaginois Hannibal Gisco engage les Gétules comme mercenaires. En 107 avant notre ère, le roi numide Jugurtha, combattant l'armée romaine, fait de nouveau appel à eux. Avant d'accepter, ces derniers proposent à Rome un autre contrat avec la promesse de terres numides ainsi que la citoyenneté romaine. En 103 avant notre ère, Jugurtha est vaincu. Les Numides défaits, Rome offre aux Gétules des terres en bordure de la Maurétanie pour consolider ses frontières. La sédentarisation des Gétules sur les terres confisquées n'est pas facilement acceptée par les populations numides défaites.

Le Mausolée de Medracen datant de 300 ans av. J.-C est le monument numide le plus ancien de l'actuelle Algérie.

Mausolée de Madracen.

. Durant la période romaine (-25 à 430), l’Algérie devient le grenier à blé de Rome, qui édifie aqueducs et thermes aux portes du désert. Prospère, le pays se couvre de prestigieux édifices. 

Dès l’année 100 ap. J.C., la IIIè légion Augusta, parti de Theveste (Tebessa), conquière Bagai (Baghaï), Mascula (Khenchela) et se base une première fois à Thamugadi (Timgad) et quelques années plus tard à Lambæsis (Tazult). Cette ceinturation se poursuivra au IIè siècle, avec une autre légion romaine, la VIè Ferrata, qui traversera l’Aurès du Nord au Sud, notamment par la construction de la route de Thighanimine et la construction du pont d’El Kantara. Enfin une autre ligne de fortifications partira toujours de Theveste plongera vers le Sud pour aboutir à TaberdgaAd-Badias (BadisAd-Majores (Henchir Besseriani) et Vescera (Biskra). Ces places fortes, ces postes avancés et autres remparts, constitueront le limes romain qui enserra les Aurès au Nord et au Sud et deviendra une sorte de ” frontière ” qui va d’est en ouest pour se perdre en Oranie. En l'an 256, le Christianisme fait son apparition dans la région des Aurès.

Le mot Aurasius apparaît aux second et troisième siècles comme surnom donné à cette région.

Arc de Trajan de Timgad.

Ruines du Praetorium de Lambaesis.

. En 430, c'est tout l'Empire romain qui se retire de la région sous la pression des Vandales qui envahissent le pays. Timgad est détruite par les montagnards de l'Aurès, qui reprennent possession de nombreux territoires. Le 28 août 430, les Vandales prennent la dernière ville romaine "Hippone" après un bref siège. 

De la brève occupation vandale de l'Aurès, il n'est rien resté, sinon, a-t-on cru parfois, des traces génétiques dans la population.

Acte de Vente d'Oliviers. Djebel M'rata. 12 Janvier 494 Ap.Jc.

. Après être parvenus, grâce à l’aide des Aurèsiens, à chasser les Vandales, les Byzantins se retournèrent contre Iabdas, roi de l’Aurès oriental. Très au fait des rivalités et querelles locales, Solomon ne s’engagea contre l’Aurès qu’en ayant au préalable obtenu la neutralité de Masuna, roi de la Maurétanie sétifienne (les Kutamas actuels) et d’Ortaïas, roi de l’Aurès occidental. Iabdas, plutôt que de le combattre, préféra noyer son camp en ouvrant les digues de barrages situés vers Khenchela. Solomon, vaincu, dut s’en retourner à Carthage en 535. En 539, Solomon entreprend une seconde campagne contre l’Aurès. Iabdas est vaincu cette fois-ci. 

Les Byzantins vont se cantonner dans les grandes villes du nord tunisien et de quelques villes importantes à l’intérieur et du littoral et, parallèlement à cela, ils occuperont certains postes névralgiques du limes romain. 

Des royaumes et des principautés amazighs se constituèrent, parfois alliés, parfois opposés aux Byzantins

Forteresse Byzantine. Timgad.

. La première révolte des berbères contre les arabes sera dirigée par Koceila de la tribu des Aurébas, tribu apparentée au groupe Branès. La bataille de Tahouda se solda par la mort de Okba Ibn Nafaa.

La Dihya dite « la reine Kahina », de la tribu des Djerawas, gouvernera la province de l'Ifriqiya pendant cinq années. Les Berbères ont démontré leur détermination pour acquérir le pouvoir et participèrent à établir ou à faire tomber plusieurs dynasties arabes Omeyyades, Fatimides et Abbassides.

La victoire des Zirides et des Hammadides sur les chaouis Zénètes entrainera un grand changement dans les Aurès. Les Banou Ifren et les Maghraouas vont perdre beaucoup d'hommes lors de la révolte d'Abu Yazid dit « l'homme à l'âne » et appartenant aux Banou Ifren

Les deux dynasties Zénètes n'auront aucun rôle depuis dans les Aurès. À l'ouest de l'Algérie, les mêmes tribus seront éliminées par les Almoravides. Ils n'en restera qu'une infime partie en Algérie.

Mosquée Antique de Tkout.

. Après l'effondrement des dynasties arabes, les Ottomans prennent une partie des Aurès. Ils désignent des hommes pour contrôler les tribus et percevoir l'impôt. Les beys s’étaient assurés le concours de tribus locales, caravanières ou chamelières, qui leur fournissaient, moyennant certains avantages, la force mobile et les moyens de transport dont ils avaient besoin lors des deux campagnes annuelles de perception.

. La pénétration de l'armée française dans le sud-constantinois a été relativement tardive en raison du maintien au pouvoir du Bey Ahmed.  Après une première expédition qui tourna à la catastrophe en 1836, Constantine fut prise à l’issue d’un siège sanglant. Le bey ne se soumettra que onze années plus tard. 

Buste de Ahmed Bey. Palais du Bey. Constantine.

Durant cette période, l’ancien Bey passa par Menaa, puis la zaouïa de Sidi Masmoudi dans l’Ahmar Khaddou. Il resta deux années dans ce massif où une petite tribu transhumante, les Ouled Abderahmane Kebech, plantent leurs tentes en été. Là se dressent encore les ruines de la guelaa de Kebech où Ahmed se serait réfugié. 

Du sud comme du nord, la menace se faisant de plus en plus précise, le bey Ahmed préféra se rendre.

Djebel Ahmar Kheddou.

. Après avoir évincé Ahmed Bey, les tribus des Aurès feront leurs soumissions en dépit de quelques révoltes importantes comme la Bataille de Zaatcha

En 1916, les Ouled Soltane, les Bou Aoun, les tribus de la Hodna oriental, les Saharis, tribu de Lakhder Halfaoui, les Ouled Zian, les tribus de la montagne de Cherchar, les Seguias, les Maadid, etc., organisent une grande révolte contre l'occupation française, mais ils seront réprimés par l'Armée française. 

Celle-ci désigne des caïds religieux pour commander les tribus dans les Aurès. Le mouvement nationaliste s'organise dans les Aurès au début du XXe siècle. Plusieurs Chaouis vont participer aux côtés des Alliés pendant la Seconde Guerre mondiale.

Grenier Collectif Ath Mansour.


. Le 1er novembre 1954, ou la Toussaint rouge, comme appelée par les Français, est le premier jour du déclenchement de la guerre d'Algérie. C'est sur le territoire de Tighanimine qu'eut lieu l'interception de l'autocar Biskra-Arris, dont le bilan fut la mort de deux personnes, un notable local et un instituteur français.

Tunnel de Tighanimine

Dès 1954, les Aurès sont au premier plan dans la guerre d'Algérie. Mostefa Ben Boulaïd, né à Arris et appartenant à la grande confédération des Touabas, est l'un des six chefs qui sont à l'origine du FLN et déclenchent la révolution algérienne

Benboulaïd sera arrêté en février 1955 à la frontière tuniso-lybienne au retour d’un voyage qu’il avait entrepris pour se procurer des armes. Lorsqu’il fut arrêté, il affirmera avoir mené son action avec uniquement des gens du massif. 

Jugé et condamné à mort, Benboulaïd s’évadera le 4 novembre 1955 et regagnera le massif. Il décède le 22 mars 1956, à la suite de la manipulation d’un colis piégé

Centre de Tri et de Torture Djerma. Ex Ferme Lucas.

En 1962, l'indépendance est proclamée. Les Aurès font partie de l'État Algérien indépendant.


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L'Habitât des Aurès.


L’habitat dans les Aurès s’organise autour d'une trilogie composée de l'homme, l'animal et la réserve. La construction de la maison s’adapte aussi au climat ponctuel du lieu où elle est établie.

Chaque dechra a sa propre architecture, que se soit par l'utilisation du matériau ou la répétition dans le plan et les mensurations. Ces critères varient légèrement en fonction de la taille de la famille et de son pouvoir économique. 

A travers le massif de l’Aurès, les zones d’habitat vernaculaire sont essentiellement situées sur la rive gauche de l’oued. Elles le sont depuis de très longue date. Les plateaux et les fonds de vallées restent vides de toute construction, par contre, toute parcelle cultivable est exploitée.

L’espace habité, multifonctionnel, est utilisé sous différentes formes, suivant les heures de la journée et le rythme des saisons. Le mode de production agraire reste partout similaire mais, d’une dechra à l’autre et tout le long de l’oued Abdi, il s’intègre au milieu et suit la hiérarchisation écologique verticale de la vallée.


La maison aurasienne est une maison à terrasse ; elle intègre la topographie du site dans sa construction. Les irrégularités du terrain, les blocs rocheux, sont harmonieusement utilisés comme soubassement, comme fondations. L’Homme a rarement aplani ou terrassé le site pour la construction d’une habitation. C’est alors une continuité de formes, de teintes, et une uniformité d’aspect qui renforcent l’intégration de ces constructions au site.

La maison est un espace polyvalent à organisation tripartite verticale. L’espace Homme est le noyau autour duquel gravitent les animaux et les réserves, c’est-à-dire ses richesses.

L’ouverture de la maison sur l’extérieur est dédoublée. Le désir de hiérarchiser et de séparer l’accès de l’homme de celui des animaux est renforcé par la taille et la finition des portes. Les animaux pénètrent par une porte basse, de matériau commun et de qualité moindre. L’homme pénètre dans la maison par une plus grande porte, faite en bois de cèdre, parfois finement travaillée et marquée symboliquement par des amulettes.

Quand, dans certaines habitations, les hommes et les animaux pénètrent dans la maison par une seule porte, la séparation s’effectue juste après le franchissement du seuil, la bergerie s’ouvre directement sur l’entrée.

Le seuil est toujours marqué par une surélévation, cette différence de niveau, outre la symbolique qu’elle projette, a pour rôle pratique la protection de la maison contre les eaux pluviales dévalant les pentes.

Le noyau de la maison

Il est composé d’une entrée, d’une salle commune et d’une cour.

– L’entrée est un espace et pas seulement un passage. Aménagée et couverte, l’entrée oppose sa composition à deux autres espaces, ouverts et non couverts : l’extérieur et la cour. Cette hiérarchisation entre zone claire et zone obscure crée l’intimité de l’entrée.

– La cour est souvent un lieu de passage, mais surtout un puits de lumière et de ventilation. Lorsque la cour est importante, elle est partiellement couverte et à double utilisation : espace cour (circulation) et espace entrepôt et bergerie. L’affectation fonctionnelle est définie par des murets peu élevés. La cour n’est pas un lieu de regroupement, on se retrouve soit dans l’entrée, soit dans la pièce commune. La fréquence et la dimension de cet espace dépendent aussi du lieu d’implantation des dechra, du climat et du besoin d’économie de terrain. Les terrasses, non protégées d’acrotères sont utilisées à des affectations ménagères et sociales en lieu et place de la cour.

– La salle commune : centre symbolique et fonctionnel de la maison, la salle commune est l’espace par excellence de l’Homme. Cet élément présent dans d’autres architectures rurales vernaculaires, organise par sa composition et sa structuration de l’espace l’ensemble de la maison. Lieu principal de la vie sociale et économique, cet espace se définit comme le plus grand volume de la maison, toujours isolé et limité par les réserves.

La polyvalence du lieu s’exprime par une projection au sol de toutes les activités quotidiennes : la division fonctionnelle n’est pas liée à l’utilisation de murs, mais à une succession d’aménagements de dénivelés au sol. Chaque surélévation correspond à une fonction, à une pratique journalière. La seule fonction qui n’est pas systématiquement matérialisée est celle du sommeil. Cette codification du sol intégré au modèle culturel s’appuie sur une élaboration et une appréhension de l’espace comme le reflet d’une vie totalement partagée par la famille. L’espace est attribué à des fonctions et non pas un individu. La notion de l’espace individuel intime est éclipsée au profit d’un partage intégral familial.






Des outres d’eau et de lait sont suspendues entre les poteries et les autres ustensiles. L’aménagement des murs est le complément de l’aménagement du sol : niches, décrochements, morceaux de bois fixés entre deux briques de terre ou entre deux pierres complètent à la verticale l’utilisation du plan horizontal.


Les lieux privilégiés de la salle commune sont :

– le coin du feu. Le foyer est un simple assemblage de trois briques cuites faites de marne calcaire et de sable siliceux,

– l’emplacement du métier à tisser est marqué par une banquette construite le long d’un mur face à la porte,

– le centre de la pièce. C’est le lieu de rassemblement familial et convivial,

– un coin de réserve journalière. C’est le coin le plus obscur de la salle.




La maison aurèsienne est fondée directement sur la roche. Les matériaux utilisés pour la construction sont la terrela pierre et le bois

Dans la haute vallée, la pierre sèche domine. Les structures sont en bois : cèdre pour les pièces maîtresses et l’ossature, genévrier pour les poutrelles. 

.  Dans la moyenne vallée, les soubassements des murs et les jonctions avec le sol sont en pierres non taillées, ce sont de gros blocs joints par un mortier et sur lesquels viennent se poser de briques de terre. 

La basse vallée reprend les modes de construction sahariens ; les structures sont en bois de palmier et les murs en briques de terre séchée.

Dans tous les murs, les chaînages sont établis par des lignées horizontales disposés tous les 80 ou 100 cm. Les coins de murs sont souvent traités en pierres d’angle taillées. 

Les ouvertures dans les maisons de l'Aurès ont plus un rôle de ventilation que « d’ouverture vers l’extérieur ». Les pièces destinées aux animaux et aux réserves, sont dotées d'une lignée d’ouvertures triangulaires situées en partie haute d’un mur, assurant ainsi une ventilation permanente. 

L'ouverture en rosace, qui constitue un véritable symbole dans l'aurès, est construite par la disposition particulière de sept triangles de briques de terre ou de pierres éclatées. Ce système permet un fractionnement des rayons du soleil avec le maintien d’un taux de luminosité important et affiné, ainsi qu’une bonne ventilation. 

Les toitures sont toutes planes et horizontales. Sur un platelage de bois éclaté (troncs de genévriers) repris par une structure de tronc du même arbre, de la terre argileuse est répandue sur une épaisseur d’environ 15 à 20 cm. La toiture est rechargée, annuellement, lors de la première pluie, d’argile violette qui, mouillée, colmatera les fissures que le soleil de l’été a provoqué. Une pente (+ 2 %) évacue l’eau vers un affaissement ponctuel de l’argile qui sert de gargouille. Ces terrasses se terminent en périphérie par des débordements d’environ 40 cm, formant corniche

Les cheminées à ventilations verticales émergent de cette terrasse par de simples trous rehaussés de pierres non maçonnées, posées au bord du trou.


Vallée de l'Oued Abdi.

Le Vieux Bouzina : Plusieurs types de Maisons : Bâtisses avec ou sans greniers individuels. W. Batna.

Menâa. W. Batna.

Tigherghar. W. Batna.



Djamorah. W. Biskra.



Vallée de l'Oued L'Abiod.

Gorges de Tighanimines. W. Batna.

Canyon du Ghoufi : Maisons avec Terrasses de Séchage ou Maisons Troglodytes. W. Batna.


M'Chounech. W. Biskra.


El Kantara. W. Biskra.


Le Costume Aurésien.


Les tribus de l'Aurès conservent une tenue qui appartient à la grande famille des costumes berbères, dont l’élément fondamental reste Elhaf. Il s’apparente, par le nom, à la Melhafa des Constantinoises et de toutes les citadines algériennes.

Le péplum à fibules ou Elhaf perdure dans les villages de l’Aurès plus longtemps que dans les autres régions montagneuses de l’Algérie. Il se confectionne à partir de lés de toile de coton noire. Les galons de passementerie vivement colorés, le plus souvent jaunesrougesverts ou roses, soulignent ses bords. 

L’elhaf en coton nécessite la présence de vêtements sous-jacents, surtout pendant la saison froide. Une chemise et une tunique, toutes deux coupées dans de simples cotonnades, sont prévues à cet effet. La première, portée à même la peau, s’appelle Meqdha. De forme rudimentaire et de teinte sombre, elle possède des manches, tandis que la tunique qui la surmonte, appelée Téjbibt, en est dénuée. 

Costume Chaoui : Photo Ancienne. Aurès 1935. Thérèse Rivière.

Les deux fibules de l’elhaf sont enjolivées de décors filigranés, mêlés à d’autres types d’ornements, tels que les demi-sphères creuses, les grenailles, les incisions, les contours dentelés, les incrustations de verres rouges ou verts et surtout les ajours qui tracent des motifs géométriques et floraux. La plaque soudée à la racine de l’ardillon de la tabzimt aurésienne supporte ces décorations et différencie les fibules entre elles. 

Modèle Commercial.

La monotonie du péplum est rompue par la présence d’une chaîne reliant les deux fibules entre elles qui soutient aussi bien des boîtes à amulettes rectangulaires en argent ciselé ou repoussé, appelées lehrouz, que des boîtes à miroirs circulaires, appelées thilema’in

La femme chaouia détient un autre bijou de grande valeur qui suffit à lui seul à parer le buste : le guerran ou aqerran. Chargé de trois disques liés entre eux par des fragments de chaînes, il connecte deux fibules arrondies qui retiennent les pans du péplum. 

Grâce à la ceinture obtenue, comme sa cousine kabyle, par l’assemblage de tresses de laine aux couleurs vives, elles déterminent la longueur du péplum de manière à découvrir la partie inférieure des énormes bracelets de chevilles en argent ciselé dont elles ne se séparent jamais. 

L’assujettissement des vêtements aux bijoux s’observe également au niveau des bras : les manches évasées de la meqdha dépassent à peine le niveau du coude de façon à laisser paraître les nombreux bracelets, appelés imeqyasen et imesyasen. Les Aurésiènnes enfilent au moins trois paires d’imeqyasen par bras, mais cette quantité double à l’occasion des cérémonies, à moins qu’elles ne les mélangent à des bracelets ajourés plus anciens ou encore à de larges bracelets pourvus de tiges, appelés souar

Au XIXe siècle, l’aspect colossal de ces ikhelkhalen cylindriques d’au moins huit centimètres de haut détonne avec la forme rudimentaire des chaussures, qu’elles soient du modèle le plus répandu qui emploie des semelles d’alfa tressé et qui s’attache autour du pied et de la cheville à l’aide de cordelettes, ou bien du modèle de fête plus coûteux en cuir rouge ou jaune garni de pompons verts, appelé belgha.

L’extrême variété des anneaux d’oreilles aurésiens du XIXe siècle se réduit, au cours des décennies suivantes, à quelques modèles de boucles aux dimensions plus modestes. La Tchouchana disparaît et la Timechreft devient démodée. La coutume qui veut que les femmes alignent trois ou quatre anneaux différents sur chaque oreille et accrochent les plus lourds d’entre eux au turban à l’aide de cordonnets s’efface progressivement. 

Les étoffes des foulards et du turban qui coiffent les villageoises se devinent difficilement sous le diadème formé de plaques ajourées illuminées de verroteries, notamment dans les villages de la vallée de l’Oued Abdi où se concentrent les orfèvres les plus habiles et les plus réputés de la région. Proches du diadème, les temporaux ou ne’assa, suspendus au turban et annexés aux chaînes de la jugulaire, angab, qui passe sous le menton, impressionnent parfois par leurs dimensions. Ils jouxtent les tchouchnèt ou timchrafin, splendides anneaux d’oreilles d’origine byzantine rehaussés de motifs ajourés internes et de dentelures externes, qui émergent du turban.

Sources : Extraits de : L'ALGERIE, SES COUTUMES, SA CULTURE, ET SES TRADITIONS.

Web : https://azititou.wordpress.com/2013/09/08/costumes-de-laures/


. La coiffure de la femme des Aurès.

La femme chaouia, se couvre la tête d'un ou plusieurs foulards accompagné(s) d’un turban, très souvent enduits d’huile d’olive parfumée, à l’aide de clous de girofle, de rose ou de laurierLe premier foulard, généralement noir (parfois rouge), est mis à la manière kabyle, c’est-a-dire plié en triangle, les deux pans croisés sur la nuque, revenant se nouer sur le haut du front.

Le turban torsadé, savamment drapé, est mis selon le goût de chacune, soit droit sur la tête, soit légèrement incliné sur la gauche. les deux pointes peuvent saillir au sommet du crâne au-dessous des oreilles. Un foulard de crêpe (‘abrouq) peut encore être épinglé sur le turban et flotter à l’arrière.

Tagoustle turban des vielles femmes est rouge et doit cacher entièrement la chevelure, tandis que les jeunes femmes de ce village, comme des autres, ont une frange sur le front (goûssa) et deux mèches tombant sur les joues. 

Les cheveux au niveau des oreilles forment deux tresses qui se nouent au-dessus de la tête.


Sources : Extraits de : Babzman : Les coiffures des femmes de l’Aurès.
Web : https://babzman.com/httpwww-babzman-comp4033/


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